Speaker 1: ... C'était d'une violence qui n'a jamais tenté de caresser mes seins.

Speaker 2: C'est une archive inédite, filmée il y a presque 20 ans et qui n'a jamais été diffusée.

Speaker 1: Quand ça prenait, il s'accrochait. Il avait des grandes mains, une noueuse forte. ...

Speaker 2: En 2007, cette femme, aujourd'hui décédée, témoignait déjà des violences sexuelles de l'abbé Pierre.

Speaker 1: J'avais toujours des buts sur les seins. Quand ça le prenait, d'un seul coup, il me sautait dessus, mais avec violence. Les seins, il s'accrochait aux seins, il les tordait. S'il m'embrassait de force, je le repoussais. C'était des moments durs. ... C'était... Il n'y avait pas de tendresse, pas du tout. C'était de la violence. Le regard était méchant, mais... C'était pas... De un seul coup, c'était bestial. ...

Speaker 2: Sanda Slag, auteure et ex-mannequin, rencontre l'abbé Pierre en 1985, car elle souhaite écrire un livre. Pendant 11 ans, elle entretient avec lui une relation d'amitié forte, mais elle doit sans cesse repousser ses assauts.

Speaker 1: Quand il disait aux gens ce qui m'a toujours manquée, c'est la tendresse d'une femme, il n'en avait rien à foutre, de la tendresse. Il avait besoin d'un sourire. Des désirs terribles. ...

Speaker 3: Je savais déjà que l'abbé avait pu avoir quelques écarts ou quelques relations sexuelles, mais je pouvais pas imaginer à quel point ce personnage était pervers. ...

Speaker 2: Ce réalisateur de documentaires a filmé lui-même cette interview. A l'époque, il enquêtait déjà sur l'autre visage de l'abbé Pierre.

Speaker 3: ... Il y a 17 ans, en 2007 exactement, lorsque j'ai proposé ce projet sur la face cachée de l'abbé Pierre, aucune chaîne n'y a répondu de façon favorable. Pourquoi ? Pour plusieurs raisons. D'abord, l'abbé était une icône. Toucher à une icône, c'est compliqué. Deuxièmement, l'abbé, c'était Maüs, et Maüs, c'est une oeuvre sociale quand même formidable. Et donc, elle s'en prendre, entre guillemets, à ce moment-là, à l'abbé, c'était totalement impossible, inenvisageable. ...

Speaker 2: Depuis le 17 juillet 2024, l'abbé Pierre, la personnalité préférée des Français, l'icône de la lutte contre la pauvreté, est tombé de son piédestal.

Speaker 4: Musique intrigante

Speaker 5: Ca a été une trahison, une grande déception. Quelque chose de terrible, un événement émotionnellement dramatique.

Speaker 2: Dans trois rapports commandés par le mouvement Emmaüs, 33 femmes, dont 4 mineurs, ainsi qu'un jeune garçon, témoignent d'agressions sexuelles commises par l'abbé Pierre. Baisers forcés, attouchements, viols. ...

Speaker 6: Il se masturbait devant moi, me demandait de lui faire des fellations. Il me fouettait avec sa ceinture. Il a profité de sa faiblesse, à un moment où elle, elle avait besoin de soutien moral. ...

Speaker 2: Qui est réellement l'abbé Pierre, de son vrai nom Henri Grouesse ? Une personnalité complexe, au double visage. D'un côté, il est le fondateur d'Emmaüs, qui a sauvé de la pauvreté des milliers de Français, créé 425 associations à travers le monde, l'auteur du célèbre appel de l'hiver 54.

Speaker 7: -"Toi qui souffres, qui que tu sois, entre, dors, mange, reprends espoir, ici, on t'aime." ...

Speaker 2: L'abbé Pierre est aussi l'ancien résistant respecté et admiré de tous. Mais c'est également un homme qui ne contrôle pas ses pulsions sexuelles.

Speaker 8: L'abbé Pierre a cette image d'humilité. Or, dans ses pratiques sexuelles, ce sont des pratiques de domination et de pouvoir.

Speaker 2: Ses violences envers les femmes sont connues depuis des années 50 et personne ne l'a jamais arrêtée.

Speaker 9: Combien de fillettes, combien de jeunes filles ont été, ici, agressées sexuellement par l'abbé Pierre ? Je me demande et ça me fait mal. ...

Speaker 2: Comment l'abbé Pierre a-t-il pu agir ainsi en toute impunité ? Quelles sont les responsabilités du mouvement Emmaüs et de l'Eglise ? Pourquoi ce secret a-t-il été gardé aussi longtemps ? Mais cet homme était Dieu.

Speaker 10: Vous ne pouvez pas vous attaquer à Dieu. ...

Speaker 2: ... Pascal fait partie de celles qui osent aujourd'hui dénoncer les agressions qu'elle a subies, après 31 ans de silence. ... A l'époque, elle est fascinée par ce personnage charismatique. ...

Speaker 11: L'abbé Pierre était très connu. Je le considérais comme quelqu'un proche des gens, qui avait cette écoute, cette gentillesse, cette intelligence. C'était un homme qui avait une grande aura.

Speaker 2: ... L'histoire de Pascal est tourmentée. Quelques jours après sa naissance, lors d'un incendie à la maternité, elle subit de graves brûlures au visage. ... Pendant presque 20 ans, elle enchaîne les traitements douloureux et doit percevoir par l'assurance une indemnisation, mais son dossier est bloqué. ... A 22 ans, sans famille sur qui compter, elle est presque à la rue et ne sait plus à qui s'adresser. ...

Speaker 11: Je décide d'écrire au président de la République. J'écris au ministère de la Justice et j'écris à l'abbé Pierre. La seule personne qui m'a répondu, c'est l'abbé Pierre, en m'invitant à Esteville, en Normandie. Il me propose de me loger pendant 15 jours pour qu'on réfléchisse à une solution. Je suis folle de joie, parce que je me dis, ça y est, je vais être sauvée, quoi.

Speaker 2: ... A Esteville, en Normandie, Pascal découvre une des communautés Emmaüs devenue une maison de repos pour les anciens compagnons. Ils sont une trentaine à vivre ici. C'est aussi une des résidences secondaires de l'abbé Pierre, où il a ses appartements. ... A peine arrivé, on informe la jeune femme qu'elle doit rencontrer le prêtre tous les matins, dans son bureau, une demi-heure par jour. A l'époque, l'abbé Pierre a 81 ans, Pascal, 22. ...

Speaker 11: La première fois que je le rencontre, je suis très, très, très intimidée par lui, parce que c'est une figure énorme pour plein de gens.

Speaker 2: ... L'abbé Pierre lui propose un rendez-vous avec Simone Veil, alors ministre des Affaires sociales, pour débloquer son dossier. Mais très vite, il lui pose des questions troublantes. ...

Speaker 11: Le 12e entretien, il me demande si j'ai des fiancées, tout ça. Et c'est là où il me dit... Parce que l'amour, c'est comme des petites fleurs sur un chemin. Il me parlait de certains trucs avec des images, et je pense, en fait, qu'il me préparait. A devenir une victime. ... A la fin du 3e rendez-vous, on se faisait une accolade, comme ça, quand je pars pour dire au revoir. Et là, d'un coup, au lieu de me faire l'accolade, il m'a attrapée. Et il s'est collé à moi. Et il m'a embrassée avec sa langue, sa langue dans ma bouche. Et il m'a tripoté les seins. Il passait son bras entre mes deux jambes pour se frotter. Et moi, j'étais coincée contre le mur. Et il me lâchait pas. Il me lâchait pas, il m'embrassait, il me mettait sa langue. C'était dégueulasse.

Speaker 2: Et qu'est-ce qu'il vous disait ?

Speaker 11: Rien. Il disait rien. Et moi, je disais rien non plus. Parce que moi, j'étais sidérée. Et à un moment donné, il me lâche. Et il retourne à son bureau. Et puis, il me dit demain. Et moi, je sors. Et là, je vais sur mon lit et je me mets à pleurer. Parce que je comprends pas du tout ce qui s'est passé. Je ne peux pas comprendre ce qui s'est passé. Mon cerveau y arrivait pas. Quelqu'un vous voit sortir en pleurs de ce bureau ? Oui, il y a le gros monsieur, là, qui est derrière son bureau, qui a un petit rectus tout le temps. Mais à chaque fois que je suis sortie du bureau, il avait toujours un petit rectus. Qui est ce monsieur ? Il est là en tant que secrétaire, quoi.

Speaker 2: Ces agressions vont durer 15 jours. Pascale est désespérée, mais personne ne vient à son aide. Ni l'assistant de l'autre côté de la porte, ni le couple qui s'occupe de l'agenda de l'abbé Pierre et lui impose ses rendez-vous réguliers.

Speaker 11: Je leur ai dit, j'aimerais bien voir l'abbé Pierre qu'une fois sur deux. Je leur ai dit, parce que je suis fatiguée en ce moment, j'aimerais bien me reposer. Et là, ils m'ont dit, non, non, non. Tu sais, on a fait des trous dans l'agenda de l'abbé Pierre exprès pour toi, pour ta venue. Donc, tu dois aller voir l'abbé Pierre tous les jours. Si je me rebellais, je ne sais pas dans quelle mesure ça allait prendre des proportions. Il y avait quand même tous les compagnons qui le connaissaient depuis très longtemps, qui étaient là. Le couple, là, ils auraient pu organiser une plainte contre moi pour diffamation et tout ça. Donc, moi, j'étais toute seule. Je pouvais rien faire. J'étais coincée.

Speaker 2: Nous avons contacté le couple de salariés d'Emmaüs dont parle Pascal. Ils sont aujourd'hui à la retraite et disent ne pas souhaiter répondre aux questions des journalistes. Au bout de deux semaines, comme il l'a promis, l'abbé Pierre va présenter Pascal à Simone Veil. Son dossier d'indemnisation aboutit et sa vie change. Elle trouve un travail, construit une famille, mais ne parle à personne de ses agressions.

Speaker 11: Moi aussi, j'ai participé à ce silence. Je porte cette culpabilité de me dire, si t'avais osé parler à même un peu après, là, j'aurais pu porter plainte. Mais je l'ai pas fait. Parce que j'étais tellement persuadée que personne ne me croirait. Vous voyez, aller à la police, dire bonjour. Voilà, il y a quatre ans, j'ai été tripotée par l'abbé Pierre. Mais les gars, ils rigolent, ils prennent même pas ma plainte.

Speaker 2: Pascal n'est pas la seule à avoir subi ces agressions alors qu'elle était en situation de vulnérabilité extrême. Quatre ans auparavant, en 1989, l'abbé Pierre avait usé les mêmes méthodes avec une femme en détresse. C'est ce qu'a découvert Eva. En 2019, cette jeune fille retrouve une lettre dans les affaires de sa mère, qui vient de mourir. Une lettre dans laquelle elle témoigne des abus sexuels commis par l'abbé Pierre. Elle a 33 ans, l'abbé Pierre, 77 ans. Elle est sans travail, seule avec son fils.

Speaker 6: Je tiens, après tant d'années de silence, à dénoncer les abus sexuels que j'ai subis en 89 et 90 de la part de l'abbé Pierre. L'abbé Pierre me disait qu'il voulait me rendre heureuse et que j'étais le mari que je n'avais plus. Il est passé rapidement d'une aide charitable à des faits d'abus sexuels. Il m'emmenait dans un appartement parisien, dont il avait la clé, pour passer des nuits avec lui. Il se masturbait devant moi, me demandait de lui faire des fellations. Il me fouettait avec sa ceinture et m'a proposé d'avoir des relations avec une jeune femme qu'il connaissait, car il était excité par le spectacle des lesbiennes qui avaient des zébats sexuels devant lui. Nombreuses sont les femmes malheureuses dont il a abusé dans sa vie, sous prétexte de leur venir en aide, en particulier des étrangères sans papier, dont il me racontait l'histoire sans aucune honte.

Speaker 2: C'est difficile de lire cette lettre encore aujourd'hui ?

Speaker 6: Extrêmement. Je pense que ça s'entend dans ma voix. C'est... C'est tragique, en fait. Il a profité de sa faiblesse, à un moment où elle, elle avait besoin de soutien moral, après une demande de divorce pour violences conjugales. Ce qui m'a particulièrement choquée, c'est le côté organisé, en fait. Ça semble être quelque chose qui est maîtrisé de sa part. Le fait de savoir qui allait chercher, de savoir que les étrangères sans papier, c'est des bonnes victimes, c'est ça qui est terrible. C'est des gens qui ne sont déjà pas protégés, qui n'existent pas, en fait, aux yeux de la société, et elles se retrouvent dans un système d'une perversité absolue. ...

Speaker 2: Ce qui intrigue également Eva, c'est cet appartement parisien dans lequel l'abbé Pierre conduit sa mère, en contrepartie de faveurs sexuelles.

Speaker 6: Ça sous-entend aussi qu'il l'amenait dans un appartement pour lui dire que j'ai la clé de cet appartement, on y va, tu vas voir, c'est un endroit bien pour toi, et puis, au final, c'est un lieu d'agression. C'est un appartement qui appartient soit personnellement à Henri Grouesse, du coup, sous son nom, ou alors qui appartient au réseau Emmaüs qu'il avait créé. Elle semble avoir été prise au piège complètement d'un système qui était bien rodé et d'un système dont elle ne pouvait pas s'échapper facilement.

Speaker 2: L'abbé Pierre utilisait-il un appartement appartenant à Emmaüs pour recevoir des femmes et y commettre des agressions ? Nous avons contacté la direction actuelle du mouvement, qui n'a pas répondu à cette question précise. Pourquoi votre mère n'en a jamais parlé de son vivant ?

Speaker 6: La honte. La honte, tout simplement. Et puis, elle a une foi catholique inébranlable. L'abbé Pierre, c'est Dieu. C'est la représentation de Dieu. Et toute la société française s'accorde à dire que cette personne est une bonne personne. Donc, en fait, s'élever contre une personne comme ça, c'est s'élever contre sa famille, contre sa culture, donc contre soi-même.

Speaker 8: Ces femmes racontent un malentendu. Elles sont venues chercher protection, elles sont venues chercher de l'aide, et en retour, elles ont eu la violence sexuelle. L'abbé Pierre a cette image d'humilité, le personnage le plus humble. Or, dans ces pratiques sexuelles, ce sont des pratiques de domination et de pouvoir.

Speaker 2: Carole Damiani est docteure en psychologie. Au début des années 2000, elle recueille le témoignage d'infirmières qui dénoncent des attouchements de la part de l'abbé Pierre. Il est alors âgé de plus de 85 ans.

Speaker 8: Ces infirmières, notamment, racontent qu'on leur touche les seins, mais pas de façon douce et caressante. On ne parle pas du tout de caresse. Elles ne venaient pas du même endroit, mais racontaient des choses similaires, et notamment cette violence qu'elles ressentaient. Et c'est ça qui semble aussi aberrant, aussi fou, aujourd'hui, c'est que le public ne l'ait jamais su, qu'il n'y ait rien qui ait transpiré. Il a bénéficié d'un système qui l'a entièrement protégé.

Speaker 2: Pourtant, ces pulsions, qui semblent incontrôlables, sont connues par les autorités religieuses et des responsables d'Emmaüs dès les années 50. Quand l'abbé Pierre entreprend son voyage aux Etats-Unis, il a 43 ans et crée déjà le scandale. A l'époque, il est aux fêtes de sa gloire et sa réputation dépasse les frontières. Ce voyage outre-Atlantique est l'occasion pour lui de rechercher des financements pour Emmaüs et de s'y implanter.

Speaker 12: -"Mon cher ami, c'est une grande joie pour moi de vous accueillir ici et de vous dire, en même temps, ma profonde admiration pour votre oeuvre."

Speaker 2: Jacques-Marie Tain, professeur de théologie à New York, aujourd'hui décédé, est désigné pour organiser son voyage. Il a consigné dans un journal de bord tous les événements de ce périple. Un journal conservé précieusement par ce professeur d'histoire. Dans ses notes, Jacques-Marie Tain raconte le comportement problématique de l'abbé Pierre aux Etats-Unis. Dix jours seulement après son arrivée, il reçoit un appel alarmant de prêtres américains.

Speaker 13: -"Les prêtres qui accompagnent l'abbé Pierre lui téléphonent de manière affolée parce que deux femmes se sont plaintes à New York en disant que l'abbé Pierre leur avait proposé de coucher avec lui. Et Marie Tain se retrouve à devoir gérer ce scandale inattendu."

Speaker 2: L'affaire est prise au sérieux, car ces deux femmes ne sont pas les seules à se plaindre. Jacques-Marie Tain s'inquiète. Voilà ce qu'il écrit le 10 mai 1955 dans son journal.

Speaker 13: Je crois qu'il est un grand malade. On ne peut pas comprendre autrement la grande quantité de folie qu'il a faite avec des femmes inconnues, non seulement à New York, mais aussi à Washington et à Chicago, où il est arrivé une heure en retard à une conférence en venant de chez une femme. Marie Tain est tenue au courant par téléphone la plupart du temps des différents épisodes, jusqu'à ce qu'il puisse poser lui un diagnostic plus assuré en pensant qu'il y a dans le comportement de l'abbé Pierre un peu de schizophrénie. Il est incapable de réfréner ses pulsions.

Speaker 2: Jacques-Marie Tain demande alors des explications à l'abbé Pierre, qui se dédouane et accuse les femmes.

Speaker 13: D'après l'abbé Pierre, l'affaire se réduit à des imprudences absolument minimes, un besoin d'amitié après trop de fatigue. En tout cas, rien de grave. Ces femmes doivent être des excitées à l'imagination trop vive.

Speaker 2: Le voyage est alors écourté. L'abbé Pierre se rend ensuite au Québec, qu'il doit aussi quitter prématurément pour éviter de nouveaux scandales. En Suède, enfin, il est accusé d'agresser des femmes de ménage qui travaillent dans la communauté dominicaine où il est hébergé.

Speaker 14: Il rencontrait ces jeunes personnes et il leur confiait qu'il était isolé, qu'il vivait seul, qu'il avait besoin d'affection, qu'il avait besoin d'amour. Il allait plus loin, il les embrassait de force. Bon, évidemment, là, ça commençait à dépasser, disons, la ligne rouge, comme on dit aujourd'hui. C'était répétitif, ça devenait quand même plus grave.

Speaker 2: Ces épisodes d'agressions sexuelles, aux Etats-Unis notamment, vont être dénoncés et rapportés en haut lieu par des prêtres américains. L'évêché de Versailles dont dépend l'abbé Pierre est averti et jusqu'au saint-office au Vatican.

Speaker 15: Lettre du saint-office à l'évêque de Versailles, 15 novembre 1955. D'après de telles informations, le père Grouès ne serait pas un homme normal, mais fortement exalté, atteint de névrose, complaisant envers des idées trop audacieuses. Veuillez donc entamer une procédure judiciaire envers ce prêtre. Vous voudrez bien envoyer au saint-office un rapport assuré au sujet de sa conduite.

Speaker 2: Le 6 décembre 1955, l'évêque de Versailles répond.

Speaker 16: Je l'avais averti à son retour d'Amérique d'avoir à veiller à son comportement et à ses paroles. Ce matin, je lui ai demandé de ne pas prendre la parole en public durant trois mois. D'ailleurs, sa santé est bien défaillante. Il est actuellement en clinique.

Speaker 2: Face au scandale qui menace l'Eglise, l'abbé Pierre finit par être exilé avec l'accord du mouvement Emmaüs. Nous sommes en 1957.

Speaker 17: Là, les évêques, dès qu'on parle du viol de la chasteté, aïe, aïe, aïe, ça devient un gros problème, là. Là, ça veut dire qu'il peut y avoir du risque. Donc, qu'est-ce qu'ils font ? Eh bien, ils le font rentrer dans une clinique suisse près de Genève, aux Rives-de-Prangère, et où il va rester un an. Donc, c'était une exfiltration incontestable.

Speaker 2: Une exfiltration pour apaiser les rumeurs qui enflent et l'éloigner de toute vie publique. Dans cette luxueuse clinique psychiatrique au bord du lac Léman, l'abbé Pierre est officiellement hospitalisé pour une hernie discale. Officieusement, il doit être canalisé. Pour le soigner, des cures de sommeil et de médicaments lui sont imposées. Il doit aussi signer un protocole pour ne pas rentrer à Paris. Ses comptes bancaires sont sous surveillance.

Speaker 18: L'abbé Pierre n'a pas le droit de se déplacer sans être accompagné, pas le droit de se manifester publiquement sans être accompagné. C'est un encadrement extrêmement strict pour contrôler sa vie, pour encadrer sa vie. Ce dispositif-là signe qu'il y a un énorme problème dans la vie de l'abbé Pierre et signe qu'il y a eu des problèmes d'agression sexuelle, de violences sexuelles.

Speaker 2: L'Eglise lui adjoint même ce qu'elle appelle un socius. En clair, un chaperon qui ne le quitte pas d'une semelle, mais ce n'est pas suffisant. Ces chaperons, aussi intègres soient-ils,

Speaker 10: ils avaient quand même zéro pouvoir. On est à chaque fois dans des demi-mesures, des quarts de mesure, en tout cas aucune mesure, qui va empêcher l'abbé Pierre de nuire.

Speaker 2: Comment expliquer que l'abbé Pierre soit aussi incontrôlable ? Depuis son adolescence, il semble tourmenté par une sexualité compulsive, obsédante, qu'il tente de dissimuler pour ne pas nuire à son image d'homme d'Eglise et au mouvement Emmaüs. Selon ce journaliste d'investigation, l'abbé Pierre a, dès les années 60, entretenu des relations secrètes avec des femmes.

Speaker 19: Ce que nous avons appris, c'est que l'abbé Pierre, lorsqu'il venait en Suisse, avait une double vie. À Genève, il avait une maîtresse qui faisait partie de la communauté Emmaüs et qui l'accompagnait en secret lors de certains de ses déplacements à l'étranger. Nous avons également exhumé une vidéo, cette fameuse séquence dans laquelle la prostituée très connue à Genève, Grisélidis Réal, révélait l'avoir croisée dans la maison close qu'il employait.

Speaker 2: En 1991, cette ancienne prostituée fait cette révélation inattendue dans une émission de TF1. Elle raconte avoir croisé l'abbé Pierre 30 ans plus tôt.

Speaker 20: La patronne nous avait dit de venir regarder par le trou de serrure de la salle de bain. Il y a quelqu'un là qui attend son tour. C'était quelqu'un, je ne sais pas... Jamais j'en ai parlé, mais aujourd'hui, je ne peux plus me taire. C'était un abbé. C'était l'abbé Pierre, et je l'ai vu.

Speaker 19: Ce témoignage lui a coûté extrêmement cher. Ça lui a valu des menaces, ça lui a valu des insultes. C'était très compliqué à l'époque. C'était une sorte de personnalité intouchable, en 1990, en tout cas.

Speaker 2: La vie sexuelle de l'abbé Pierre est connue de ses proches qui ne s'en offusquent pas. Pierre Lunel a été son confident et biographe pendant 20 ans. Il ignorait tout des agressions sexuelles, mais connaissait ses désirs pour les femmes.

Speaker 17: Écoutez, qu'un prêtre qui éprouve des frustrations sexuelles aille contre argent obtenir une faveur dans un cadre qui est quelque chose d'accepté, ça ne me choque pas plus que ça, non ? Le fait de sa sexualité, de son amour, de l'amour, ça, c'était un secret de polichinelle. Mais encore, n'oublions pas que là, on est dans l'ordre de ce qu'on peut appeler le péché. C'est-à-dire qu'on est dans un ordre ecclésial. Après tout, il s'agit d'un homme de Dieu qui a craqué, qui a failli, qui commet un péché. Il brise la chasteté.

Speaker 2: À la fin de sa vie, l'abbé Pierre avait lui-même reconnu publiquement avoir déjà eu des relations sexuelles.

Speaker 21: Aujourd'hui, il vous arrive d'y penser à cette période où vous avez connu l'amour physique ? C'est quelque chose qui est très loin derrière vous.

Speaker 22: Ce n'ont jamais été des périodes. Ça a été une faiblesse, un incident passager. Il n'y a jamais eu une période où je me suis trouvé dans cette situation.

Speaker 2: L'abbé Pierre parle de faiblesse, d'incident passager, mais des intimes connaissaient sa face plus sombre. Ses pulsions sexuelles, parfois violentes, inquiétaient sa famille.

Speaker 23: Dans la famille, on savait que la sexualité de notre oncle était problématique. Ma mère, Anne-Marie, sa sœur, s'étaient énormément engueulées avec lui sur le sujet. Ma mère savait très bien que le célibat, pour lui, c'était quelque chose qui était pratiquement insupportable. Il n'a pas voulu entrer en psychanalyse, par exemple, et faire une démarche comme ça, alors qu'énormément de gens l'ont sollicité dans ce sens-là.

Speaker 2: Dans une lettre de 1932, dévoilée par le journal Le Monde, le religieux relate à son supérieur un événement déterminant survenu dans son enfance. Il raconte avoir subi des agressions sexuelles alors qu'il était pensionnaire au collège Notre-Dame des Minimes, à Lyon. C'est précisément à cet âge qu'il tente aussi de se mutiler, comme il l'a confié, dans les années 90, à son ami Sandas Lag.

Speaker 1: Il me disait qu'à 7 ans, il avait tenté de se couper sa petite zigounette avec des ciseaux, parce qu'il voulait être comme ses soeurs, il ne voulait pas de cet instrument. Pour lui, c'était un handicap. Il m'en a parlé souvent. Ça a été son levier, le sexe. Parce que c'était tellement présent, c'est une telle force en lui. Et puis, il était gouverné. C'était pas lui qui voulait... Ça arrivait. Il ne maîtrisait pas. C'est pour ça qu'à ce moment-là, il était violent. Ça devait le mettre en rage.

Speaker 8: Il n'arrivait pas à maîtriser ses pulsions. On a l'impression que c'est quelqu'un qui avait des comptes à rendre avec la féminité. Systématiquement, dans ce que j'ai entendu, il attaquait les symboles de la féminité.

Speaker 2: L'abbé Pierre a-t-il conscience de la violence de ses actes ? Est-il mu par un sentiment de toute puissance, d'impunité ? Ses cibles sont souvent des femmes en détresse, de très jeunes filles. Mais il s'en prend aussi à une juriste dans un lieu public, une journaliste, sans crainte d'être dénoncée. Musique douce En 1988, à Genève, une reporter suisse d'origine péruvienne a rendez-vous avec l'abbé Pierre pour l'interviewer. Esther Romero écrit pour une revue catholique suisse. Elle doit le retrouver à l'hôtel Terminus, où il a ses habitudes. ...

Speaker 9: Quand je suis allée à réception demander pour l'abbé Pierre, il a dit de me dire de monter dans sa chambre. Et quand je suis sortie de l'ascenseur, il sortait de sa chambre avec les bras étendus, comme ça. J'avais 52 ans, et lui, 76 ans. À ce moment-là, je le voyais comme un petit vieillard, très frêle, très gentil.

Speaker 2: L'abbé Pierre l'invite à s'asseoir en face de lui dans sa chambre. La journaliste allume son enregistreur, mais le prêtre est sans cesse interrompu par des appels téléphoniques et fait des allers-retours dans la pièce.

Speaker 9: La dernière fois qu'il s'est levé pour aller reprendre au téléphone, au lieu de s'asseoir de nouveau dans la chaise en face de moi, il est venu à côté de moi, et il s'est pressé contre mon corps. J'ai ressenti qu'il avait une érection. Je me suis dit, non, je me trompe, ça ne peut pas être vrai. C'est l'abbé Pierre, je me trompe. Et je me rappelle seulement qu'il m'a frotté au-dessus de mon pull, il m'a frotté les seins, et puis il a mis sa langue dans ma bouche. Et après ça, j'ai entendu la phrase, est-ce que c'était aussi bien pour vous, ma fille ?

Speaker 2: La journaliste est sidérée et quitte immédiatement la chambre. Quand elle le croise le lendemain, il recommence, mais elle ne le dénonce pas.

Speaker 9: Je pensais à ce moment-là que j'étais la seule personne à qui il avait fait ça. Je pensais. C'est un veillard, déjà, sénile.

Speaker 2: De retour au Pérou, Esther raconte son histoire à une amie journaliste qui connaît bien l'abbé Pierre, car elle l'a rencontrée dans les foyers Emmaüs de Lima. Ce qu'elle lui rapporte est édifiant.

Speaker 9: Elle m'a dit seulement cette phrase. Il a essayé de mettre au lit, d'avoir des rapports sexuels avec tous les travailleurs et bénévoles de l'immigration. Les bénévoles de Mahousse. Elle m'a dit ça. Donc, elle m'a dit, finalement, oui, il a ce côté de prédateur sexuel d'un côté, mais de l'autre côté, il fait tellement de bien, elle m'a dit. Combien de personnes, je me demande, combien de fillettes, combien de jeunes filles ont été ici agressées sexuellement par l'abbé Pierre ? Je me demande, et ça me fait mal.

Speaker 2: Combien de victimes de l'abbé Pierre en France et dans le monde ? On ne le sait pas encore. Mais une question se pose, pourquoi n'a-t-on pas pu l'empêcher de nuire ? Que savait réellement Emmaüs de ces agissements ?

Speaker 24: Il est 8h19, le monde de la générosité est sous le choc depuis la nouvelle salve de révélations sordides sur l'abbé Pierre. En septembre 2024,

Speaker 2: après la publication des témoignages de femmes agressées par l'abbé Pierre, le délégué général d'Emmaüs International s'exprimait dans les médias. Depuis quand étiez-vous au courant ?

Speaker 25: Écoutez, moi-même, c'est dans le rapport, je suis au courant depuis le mois de juin 2023, lorsque je suis informé du témoignage de ce qu'on appelle, nous, la première victime, mais qui, malheureusement, nous l'avons découvert ensuite, était loin d'être la première.

Speaker 26: Jamais, ni vous ni les autres dirigeants d'Emmaüs n'auraient pu imaginer ça ? Jamais ?

Speaker 25: Alors, nous, ce que nous savions, et je parle pour moi et les dirigeants actuels d'Emmaüs, c'était que l'abbé Pierre avait eu une vie sexuelle et des relations avec des femmes.

Speaker 26: C'est d'ailleurs écrit dans certains livres.

Speaker 25: Il l'avait écrit, il l'avait dit, mais nous n'imaginions pas un instant qu'il s'agissait de violence. Ça, pour nous, c'est un vrai choc et une vraie découverte.

Speaker 2: A priori, la direction d'Emmaüs ne savait rien des agressions sexuelles. C'est ce qu'elle nous confirme par mail, quelques mois plus tard.

Speaker 27: Le mouvement n'avait aucune connaissance des faits reprochés à l'abbé Pierre et pour lesquels plusieurs victimes ont témoigné. Rien ne laissait entrevoir que des relations sexuelles avaient pu se faire sous la contrainte ou qu'elles avaient eu un caractère violent. Et rien ne laissait penser de l'abbé Pierre qu'il était un agresseur sexuel.

Speaker 2: Pourtant, quand nous interrogeons certains salariés d'Emmaüs, c'est une autre version que nous entendons. Philippe Dupont a travaillé 14 ans comme directeur du centre abbé Pierre à Esteville. Depuis les révélations, il mène son enquête, rassemble des documents qu'il a transmis à la justice en espérant l'ouverture d'une instruction. Selon lui, le comportement problématique de l'abbé Pierre avec les femmes était connu au sein du mouvement.

Speaker 5: Fin février 2011, trois mois et demi après mon arrivée, une des personnes les plus haut placées dans l'organigramme du mouvement Emmaüs, qui, pendant des années, avait été secrétaire de l'abbé Pierre, me dit que l'abbé Pierre avait eu des problèmes de comportement avec les femmes. Cet homme me dit que l'abbé Pierre touchait les poitrines d'un certain nombre de femmes sans leur consentement, dans son grand âge. A cette époque-là, j'avais essayé d'enquêter dans la maison auprès des personnes qui étaient présentes depuis longtemps, pour essayer de leur demander s'ils en avaient entendu parler. Tout le monde m'avait dit non. Mais maintenant, je sais que, en partie, les gens mentaient.

Speaker 2: En 2011, lors de sa conversation avec le secrétaire particulier, Philippe Dupont a pris des notes qu'il a conservées. Le secrétaire lui dit que l'abbé Pierre était détraqué dans sa tête et qu'il pelotait les femmes contre leur gré. Il lui explique aussi qu'il devait sans cesse le surveiller.

Speaker 5: Il me dit que lui, assistant de l'abbé Pierre, mais que c'était le cas aussi de tous les autres assistants, leur mission consistait à faire en sorte de s'interposer quand l'abbé Pierre recevait une femme, au cas où la conversation dérape et qu'il se précipite sur elle. Il y avait des signaux sur son visage qui pouvaient montrer qu'il était sur le point de perdre le contrôle de lui-même.

Speaker 2: Nous avons joint le secrétaire particulier de l'abbé Pierre, une des figures du mouvement, qui a partagé son intimité à la fin de sa vie, de 1999 à 2007. Je voulais savoir si vous... Vous saviez qu'il avait eu des comportements problématiques avec des femmes ? Ce secrétaire particulier, qui a été très proche de lui, il sait qu'il y a un problème.

Speaker 28: Oui, oui, mais... Non, mais... Il n'y a pas que lui qui sait qu'il y a un problème. C'est un secret qui a été gardé pendant des décennies.

Speaker 2: Depuis les révélations du mois de juillet, Philippe Dupont a interrogé par mail et téléphone des dizaines de responsables et salariés d'Emmaüs et recueilli leur confidence.

Speaker 5: Tous les intimes de l'abbé Pierre, des lieux de vie de l'abbé Pierre et tous les dirigeants des grandes structures du mouvement Emmaüs étaient tous au courant que l'abbé Pierre avait des problèmes de main baladeuse sur les seins.

Speaker 2: Selon certains proches de l'abbé Pierre, c'est la maladie de Parkinson dont il était atteint qui expliquerait, dans son grand âge, ses gestes déplacés. Au cours de son enquête, Philippe Dupont affirme également avoir identifié une dizaine de collaboratrices d'Emmaüs qui auraient été agressées par l'abbé Pierre. L'une d'elles a accepté de témoigner pour la première fois. Cette fidèle du mouvement a travaillé 40 ans chez Emmaüs. Elle était secrétaire au siège et dit avoir subi des attouchements sur les seins dès 1978.

Speaker 29: C'était sur le lieu de travail, donc au siège d'Emmaüs International, et je croise l'abbé Pierre au pied d'un escalier entre une porte qui menait vers une salle de réunion et le pied de l'escalier. Et puis, il m'a tripoté le sein à gauche. Et puis, je crois qu'il a posé sa tête sur mon épaule. Je n'ai pas eu le moins du monde l'idée d'en parler à quelqu'un. A l'époque, ces gestes-là, c'était... Attentat à la pudeur, mais dans ce que j'ai vécu la première fois, c'est plutôt un simple geste déplacé. Ce n'était pas des choses gravissimes.

Speaker 2: En 1992, l'abbé Pierre tente de nouveau de l'approcher sur son lieu de travail, mais elle l'esquive.

Speaker 29: Là, il a essayé de m'amadouer, en disant que j'en avais besoin, tu sais, avec des trémolos dans la voix. Je lui ai dit non, il est parti. Et quelques temps après, il y avait le président d'Emmaüs International et un autre membre du bureau de l'association qui étaient de passage à mon bureau, et je leur ai raconté. Et ils m'ont répondu, elles le disent toutes, mais on croyait qu'ils s'étaient calmés. Et donc, là, j'ai découvert que mes collègues m'en avaient jamais parlé.

Speaker 2: Ca révèle quand même qu'ils le savaient.

Speaker 29: Qu'ils le savaient, puisque quelques-unes de mes collègues leur avaient dit.

Speaker 2: Sa hiérarchie n'a jamais dénoncé ces agissements. Selon cet ex-salarié, ils étaient pourtant connus. Lors de formations du personnel, ces problèmes avec des femmes dans les années 50 étaient déjà mentionnés.

Speaker 29: Jamais aucune des personnes assistantes à cette formation n'a levé la main en disant vous pouvez nous donner plus de détails ? J'ai l'impression que c'était juste un sujet tout à fait accessoire, annexe. Je fais sereinement la part des choses entre la personne privée et les horreurs qu'elle a commises et que je condamne sans réserve, et le personnage public et tout ce qu'il a pu faire tout au long de sa vie, à la fois dans le domaine social, dans le domaine politique, au niveau de l'Eglise catholique aussi. Donc, moi, je garde un respect, enfin, une admiration immense pour toute son histoire. Une ambition immense pour toute son oeuvre, dont les Français n'en connaissent qu'une toute petite partie.

Speaker 2: Conflit de loyauté, volonté de préserver l'héritage d'Emmaüs. Nombreux sont ceux qui n'ont pas osé dénoncer le comportement de l'abbé Pierre, jusqu'à fermer les yeux sur certains abus. C'est ce que révèle la soeur Véronique Margron. Il y a 4 ans, elle a recueilli le témoignage d'une femme victime d'attouchements de l'abbé Pierre quand elle avait 16 ans. Son père est alors un bénévole très engagé, infidèle du fondateur d'Emmaüs.

Speaker 10: Il me raconte qu'elle partait en vacances avec l'abbé Pierre, que l'abbé Pierre avait proposé plutôt de l'emmener en Italie, et que dans la voiture, il s'est fait très pressant, même mettant sa main sur ses cuisses. Et puis, au cours du voyage, de plus en plus, en transfrappé dans sa chambre. Elle en parle à son père, qui la croit. Il écrit à l'abbé Pierre. Il prend rendez-vous avec l'abbé Pierre.

Speaker 2: Et devant lui, l'abbé Pierre déchire cette lettre. Le père de la jeune fille ne va pas oser s'opposer à l'abbé Pierre. Il s'excuse même en sortant d'avoir perturbé le prêtre.

Speaker 10: On voit bien le conflit de devoirs et le conflit de loyauté de ce papa, qui à la fois y va, et puis en même temps, il y a son admiration et son affection pour l'abbé, comme il dit, qui lui fait dire au secrétaire en sortant, on prend soin de lui, parce qu'il va être perturbé. Ça me glace, parce que ça veut dire que si ce monsieur avait parlé, peut-être à un responsable d'Emmaüs, peut-être à l'Eglise catholique, peut-être que là, au moins, on l'aurait arrêté.

Speaker 5: Dès les années 50, dès les premiers faits d'actes non consentis et d'agressions, il aurait fallu stopper l'abbé Pierre en le dénonçant aux autorités civiles. Au nom de cette icône, on a sacrifié des personnes vulnérables, des femmes et des enfants, et ça, c'est ignoble.

Speaker 10: Beaucoup de gens savaient. Ça circule, des gens parlent, sont plus ou moins entendus. Et puis, comme si au-dessus du souterrain, au-dessus des égouts, pourrions-nous dire, là, rien ne se sait. Et tout le monde croit à ce mythe de l'homme magnifique, de l'homme de bien par excellence, du modèle par excellence. Ça, c'est vraiment glaçant. Musique pesante

Speaker 2: ... Aujourd'hui, le mouvement Emmaüs a entrepris un travail de transparence sur les violences commises par l'abbé Pierre et mis en place un dispositif d'écoute pour les victimes. ... Une commission d'enquête indépendante, présidée par une sociologue, est également chargée de faire la lumière sur le silence d'Emmaüs et de l'Eglise pendant plus de 50 ans. L'enquête sur les agressions commises par l'abbé Pierre n'en est qu'à ses débuts. ... Sous-titrage ST' 501