Speaker 1: Il est 8h32 et vous êtes bien sur RMC et BFM TV. Bonjour Raphaël Glucksmann, merci d'être dans ce studio pour répondre à mes questions. Vous êtes député européen, place publique et parti socialiste. On va revenir évidemment sur les dernières provocations presque à vos yeux de Donald Trump, la manière dont il s'est carrément adressé directement aux entreprises françaises, européennes, en leur disant de venir le rejoindre sur le sol américain et la réponse européenne. Mais d'abord, on vous a entendu depuis 6 mois, depuis les élections européennes. Appelez de vos voeux à une distinction très claire entre la gauche que vous estimez être la gauche socialiste et la France insoumise. Est-ce que ce divorce est en train d'être acté ? Est-ce que ça vous réjouit ?
Speaker 2: Moi, je veux de la clarté en fait. Je veux qu'on soit sincère. Je veux qu'on dise la vérité. Et la vérité, c'est que nous n'avons pas la même vision du monde. Nous n'avons pas le même projet. Nous n'avons pas le même rapport à la politique. Nous n'avons pas le même rapport à la brutalisation de la vie politique. Et nous n'avons pas le même rapport à l'utilisation ou non de la censure comme on l'a bien vu au Parlement. Donc aujourd'hui, il y a une clarification qui s'opère. Et si le nouveau Front populaire était un mouvement d'union face à l'extrême droite dans une situation extrêmement précise qui était celle de la dissolution insensée de l'Assemblée nationale par Emmanuel Macron, et du temps donné, trois semaines, au parti pour s'organiser et empêcher Jordan Bardella et Marine Le Pen de prendre le pouvoir, ce n'était pas un mariage sur le fond. On le voit aujourd'hui. Et il faut qu'on assume. Moi, ce que je dis, c'est n'ayez pas peur. N'ayez pas peur. Vous êtes socialiste, sociodémocrate, vous êtes écologiste, vous êtes une gauche démocrate pro-européenne. Nous sommes majoritaires à gauche et nous devons défendre notre vision du monde.
Speaker 1: Il y a encore besoin de leur dire vous n'avez pas peur, non ? Parce qu'en fait, ce n'est pas complètement acté. Vous dites vous appelez à la clarification. Est-ce que pour vous, ça y est, c'est très clair ? Il y a certains points qui le sont. On a même François Hollande qui dit il faudra deux candidats pour l'élection présidentielle. Nous n'avons plus rien en commun de ce point de vue-là, dit-il. Mais en même temps, sur cette question de la censure, les choses ne sont pas extrêmement claires. Qu'est-ce qui reste ? Qu'est-ce qui les retient ? Qu'est-ce qui pourrait leur faire peur ?
Speaker 2: Sur la question de la censure, on a une gauche qui a conscience du moment extrêmement grave qu'on traverse sur le plan historique, géopolitique, social, budgétaire, économique, et qui donc n'utilise pas la censure simplement pour un jeu de posture. C'est la gauche que nous représentons et on a vu à quel point on était capable de prendre nos responsabilités. Mais sur cette question de la censure, ça demande un effort aussi de la part du gouvernement. On a arraché des concessions, il ne faut pas revenir sur ces concessions les unes après les autres. Et donc, ce n'est pas un accord de non-censure sur les mois qui viennent, c'est un accord de non-censure sur des engagements précis. Si ces engagements sont tenus, il n'y aura pas de censure. Si ces engagements ne sont pas tenus, la question de la censure sera à nouveau sur la table.
Speaker 1: Mais la décision de censurer ou de ne pas censurer au moment du budget, elle ne se fera que sur le fond du budget et pas sur des menaces ?
Speaker 2: Que sur le fond du budget, que sur notre position que nous prendrons en conscience. Elle ne se fera pas sur les oucas de Jean-Luc Mélenchon et de ses affidiés. Parce que face à ces insultes, face à ces menaces, nous devons tenir bon. Il n'y a rien là-dedans qui puisse nous impressionner. Même les menaces sur les élections vont vous mettre des candidats face aux vôtres, etc.
Speaker 1: Oui, parce qu'il faut quand même revenir sur les mots notamment qui ont été prononcés hier ou qui ont été écrits par Jean-Luc Mélenchon qui dit « S'il y avait censure, alors il confirmerait un renversement d'alliance, ne serait plus en mesure de représenter l'opposition de gauche dans leurs circonscriptions. Cela équivaudrait à une rupture définitive avec le nouveau Front populaire et LFI serait en mesure de justifier, de présenter des candidats face aux députés socialistes qui n'auraient pas voté la censure.
Speaker 2: Eh bien, nous ne cédons pas à la menace, nous ne sommes pas impressionnés. Il faut arrêter avec ce type de langage. Ce n'est pas le chef qui s'adresse à ses ouailles. Revenez à la maison, l'école Bussionné a fini, tout ça est pathétique. Nous, nous devons nous prononcer en conscience.
Speaker 1: Moi, je veux bien que vous disiez que ce soit pathétique et que vous les appeliez à ne pas avoir peur. Mais quand vous entendez, par exemple, Marine Tondelier, qui a pu un temps préférer l'idée de dialoguer, de tenter de dialoguer avec le gouvernement, mais qui aujourd'hui estime qu'effectivement, il faut absolument censurer et qui a l'air elle-même d'être iraillée, à une personne comme elle, vous lui dites quoi ?
Speaker 2: Je dis « prononce-toi sur le fond ». Et si elle décide que la censure est nécessaire, eh bien, ça doit être fait en conscience, c'est tout. Par exemple, il y a un argument qui me stupéfait, qui circule, qui est de dire qu'on peut voter la censure pour envoyer un signal parce que de toute façon, le RN ne la votera pas et donc, c'est à blanc. Ça veut dire quoi ? Ça veut dire qu'en fait, on laisse les clés au RN. Or, précisément, ce qu'on a voulu faire pendant les élections législatives, c'était d'empêcher que le RN ait les clés de la vie politique française.
Speaker 1: Donc une censure symbolique, en quelque sorte ?
Speaker 2: Ça n'existe pas. Chaque vote, surtout sur un acte aussi grave que la censure, doit être fait en conscience, comme si le résultat final dépendait de votre vote, Apolline. Vous êtes au Parlement, vous devez voter. Si vous votez la censure, ça veut dire que vous voulez que le gouvernement tombe. Point. Vous ne prenez pas en compte les votes des autres.
Speaker 1: Donc il n'y a pas, à vos yeux, uniquement une gestuelle ou une posture ou une censure symbolique ? Ça n'existe pas ?
Speaker 2: Ça n'existe pas. Mais de toute façon, en politique, moi, ce que j'essaye de faire au Parlement européen et ce qu'on arrive à faire avec la délégation qui unit Place publique et le Parti socialiste, c'est, à chaque vote, de voter comme si le résultat dépendait de nous, pour être en sincérité radicale. Parce qu'en fait, quand on traverse un moment de crise démocratique majeure, toutes les postures, tous les calculs deviennent profondément insupportables.
Speaker 1: Mais à la fin, est-ce que vous n'avez pas peur aussi de vous faire avoir ? C'est-à-dire que si le gouvernement ne joue pas vraiment le jeu, si ce fameux conclave des partenaires sociaux n'accouche sur rien, est-ce qu'à la fin, vous ne vous direz pas qu'on s'est fait complètement avoir et qu'on a donné six mois de plus à un gouvernement ?
Speaker 2: Dans ce cas-là, on votera la censure. Mais on la votera sur pièce, sur des actes, sur le fait que les accords n'ont pas été respectés, sur le fait qu'on a fait un dialogue social fake, sur le fait que tout cela n'était que du vent. Mais on en aura la preuve. Ce n'est pas une censure a priori. Ce n'est pas une censure de posture. Ce sera une censure qui jugera des actions.
Speaker 1: – Vous faites confiance aujourd'hui ? – Moi, je ne fais pas confiance. C'est mon principe.
Speaker 2: Je ne fais pas confiance, je veux voir. Vous savez, moi, je suis quelqu'un de très basique. Je veux voir. – C'est Saint-Thomas qui veut des preuves. – Je veux voir sur les actes.
Speaker 1: – Mais là, de ce que vous voyez, est-ce que vous avez l'impression que le dialogue est engagé ?
Speaker 2: – Quand je vois qu'au lendemain de la non-censure au Sénat, on coupe un milliard sur la recherche, oui.
Speaker 1: – Là, ça devrait quand même vous donner quelques doutes.
Speaker 2: – Bien sûr, mais plus que des doutes. Ça nous donne une profonde inquiétude. Et nous, on a envoyé un message extrêmement clair.
Speaker 1: – Mais jugez-vous, allez-vous continuer à leur faire confiance ?
Speaker 2: – On a eu une lettre du Premier ministre. Les députés sociaux ont reçu une lettre du Premier ministre. Il y a des engagements qui sont clairs. Il faut que ces engagements soient tenus.
Speaker 1: – Sur d'autres questions que les seules retraites, d'ailleurs. Sur la question des remboursements des médicaments, sur la question des 4 000 postes de l'Éducation nationale. Est-ce que là-dessus, c'est du sonnant et de trébuchant pour vous ? C'est acquis ?
Speaker 2: – C'est acquis, il faut que ça se matérialise. On va voir dans le budget.
Speaker 1: – En tout cas, c'est écrit noir sur blanc par le Premier ministre.
Speaker 2: – C'est écrit noir sur blanc. Et si on revient sur sa parole, effectivement, nous, on sera dans une position. On n'aura pas d'autre choix que de censurer. Mais on prendra cette décision en gravité. En ayant conscience que la France a besoin d'un budget, que la France a besoin d'un gouvernement. Et vous savez, nous, on n'a aucune illusion. On sait très bien que François Bayrou ne va pas mettre en place le projet qui est le nôtre. On sait très bien que ce n'est pas un gouvernement de gauche. On sait très bien qu'il ne va pas engager la grande transformation écologique. On sait très bien que, socialement, ce ne sera pas très ambitieux. On sait tout ça. Mais c'est en responsabilité. Parce qu'on a conscience que les Françaises et les Français ont besoin d'un budget. Que la France a besoin d'être gouvernée. Que nous prendrons cette décision avec gravité. Et sans subir les pressions tactiques, stratégiques ou quoi que ce soit. Venant de ceux qui ont décidé, décidé que le gouvernement devait tomber. Qu'il devait y avoir des présidentielles anticipées. Et que, finalement, tout devait correspondre aux obsessions présidentielles.
Speaker 1: Donc la seule obsession présidentielle de la France insoumise, pour vous, ferait passer à côté d'un certain nombre d'avantages gagnés par les classes sociales ?
Speaker 2: Nous, on a arraché quelque chose de très concret. On a arraché la fin de la suppression des 4000 postes dans l'éducation nationale. Ce n'est pas rien. La fin des remboursements de médicaments. Ce n'est pas rien. On a arraché le fait que cette réforme des retraites, avec une immense blessure sociale et démocratique, soit à nouveau discutée. Et surtout qu'elle soit discutée par les partenaires sociaux. Ce qui a été profondément inacceptable, hormis le fond, dans la réforme des retraites d'Emmanuel Macron, c'est la brutalisation du dialogue social, la négation du dialogue social, le mépris des syndicats, les attaques permanentes contre les syndicats. Et là, les syndicats sont à nouveau ceux qui ont les clés avec le patronat, les partenaires sociaux. Et quand les syndicats disent « mais nous, on va saisir la balle au bon »,
Speaker 1: les syndicats, pas tous. La CGT, pour l'instant, réserve encore sa réponse sur sa participation, ou non, à cette discussion.
Speaker 2: Non, mais le fait que ce soit rouvert. Nous, ensuite, on jugera si ce dialogue est fake ou n'est pas fake. Faux ou pas. Mais en attendant... En attendant, mais censurer a priori, c'est en fait considérer qu'on peut faire de la politique comme du bullying et balancer une boule de bullying dans des quilles gouvernementales et que tout cela n'a aucun impact. Ce n'est pas vrai. Vous savez, la France est dans une situation économique extrêmement grave. Il y a des fermetures d'usines absolument tout le temps. Il y a une situation budgétaire qui est catastrophique. Il y a une situation sociale qui est très grave. Et on est en plus dans une situation géopolitique où nos démocraties sont attaquées en permanence par des acteurs étrangers et il faut les défendre. Donc, on a besoin de stabilité, mais cette stabilité, si le gouvernement la veut, il ne doit pas revenir sur sa parole et il doit lâcher les choses.
Speaker 1: La balle est dans son camp.
Speaker 2: Exactement, la balle est dans le camp du Premier ministre et des ministres, il faut qu'ils respectent leur parole et il faut surtout qu'ils comprennent que notre non-censure n'est absolument pas acquise. S'ils reviennent sur leur parole, il y aura une censure.
Speaker 1: À tout moment, ça peut tomber comme un coup près. Raphaël Glucksmann, Donald Trump, hier s'est adressé aux patrons européens qui sont réunis en ce moment même à Davos, au Forum économique de Davos, en leur demandant de venir, en leur disant de venir aux Etats-Unis, qu'ils seraient extrêmement bien traités et que sur place, ils pourraient produire. Il a même eu cette expression, Donald Trump, il a dit l'Union européenne est très mauvaise pour nous, elle ne va pas pouvoir éviter les droits de douane. Il estime effectivement qu'il faudra monter les droits de douane avec l'Union européenne. Est-ce que l'Europe répond suffisamment aujourd'hui ?
Speaker 2: Non. L'Europe est bien trop silencieuse et bien trop faible. Vous savez, l'immense problème des dirigeants européens, c'est leur capacité ou non, et en l'occurrence, leur incapacité à assumer le rapport de force. Ce qu'il faut comprendre là, c'est qu'on a une administration américaine qui est profondément idéologique et qui veut continuer sa guerre civile culturelle, qu'elle a engagée aux Etats-Unis, sur notre territoire. En guerre civile ? Culturelle et idéologique. C'est-à-dire que, lisons Elon Musk, comprenons ce qu'il raconte. Ce qu'il dit, c'est tant que nous n'avons pas fait triompher nos alliés en Europe, notre pouvoir aux Etats-Unis ne sera pas total. Ce qu'ils font aujourd'hui, c'est qu'ils utilisent l'arme commerciale, pas simplement pour entamer un rapport de force d'extériorité, ce qui était le cas dans le premier mandat de Donald Trump, c'est-à-dire, je mets un droit de douane sur vos produits, et vous, en échange, vous allez mettre un droit de douane sur nos produits, et à la fin, on fait un deal. Ce n'est pas seulement ça. Quand on écoute le vice-président américain, M. Vance, qu'est-ce qu'il dit ? Il dit, on va mettre des tarifs sur vos produits pour que vous changiez vos législations, par exemple, sur le numérique. Vous savez, ce qu'il demande, c'est qu'en fait, nous n'appliquions pas nos propres lois. Par exemple, le DSA, le Digital Services Act, qu'on a voté à une écrasante majorité au Parlement, qui a été adopté par l'unanimité des États européens, et qui permet d'encadrer les grandes plateformes américaines ou chinoises, de mettre des règles, de mettre des règles dans le débat public.
Speaker 1: Sauf que, quand même, dans le même moment, si vous demandez aux entreprises elles-mêmes, je recevais ce matin sur RMC le patron de Sanofi France. Le patron de Sanofi France, il est aujourd'hui à la tête du plus gros labo pharmaceutique en France. Depuis le Covid, on n'arrête pas de dire qu'il faut de la souveraineté, qu'il faut qu'il développe en France, etc. Bon. Je l'interrogeais sur cette proposition, cette main tendue, en quelque sorte, de Donald Trump aux entrepreneurs, en leur disant venez chez nous. Il répondait non, non, mais nous, on reste français, on va rester là. Mais, mais, quand vous entendez quand même que là-bas, ils ont décidé de mettre 500 milliards dans l'intelligence artificielle, alors que dans le même temps, l'Union européenne est plutôt dans le fait de contrôler. On est dans une toute autre logique, et il dit pour nous, entreprise, c'est un vrai problème. C'est-à-dire que l'Europe ne croit pas
Speaker 2: aux entreprises. C'est pour ça que nous plaidons pour qu'on ait une véritable politique industrielle à l'échelle européenne. À un moment, ils finiront par céder.
Speaker 1: Je veux dire, Sanofi, il dit aujourd'hui non, je reste français,
Speaker 2: mais ils finiront par céder. On doit faire deux choses. Deux choses. On doit appliquer nos lois. Ne pas trembler, ne pas fléchir, appliquer nos lois. Et si il y a des tarifs douaniers qui sont imposés à nos productions, il faudra qu'on ait le courage d'imposer des tarifs douaniers aux productions américaines. Qu'on accepte le rapport de force commercial. D'un autre côté, ce qu'il faut absolument qu'on fasse, c'est qu'on développe une politique industrielle européenne. Moi, je me bats pour ça au Parlement européen, avec notre délégation, avec notre groupe, depuis des mois. Parce qu'effectivement, imposer des règles, imposer des tarifs douaniers, ça ne suffira pas.
Speaker 1: Sur ce plan-là, Donald Trump devrait presque être un modèle pour nous. C'est-à-dire que il encourage l'innovation de ses entreprises. Et nous, pendant ce temps-là, on est plutôt à se dire, l'intelligence artificielle, c'est flippant. Vous voyez ce que je veux dire ?
Speaker 2: Ce n'est pas un modèle pour Donald Trump, mais ce qui est certain.
Speaker 1: Sur le plan du développement de l'innovation des entreprises, je vous pose cette question de manière tout à fait assumée. Est-ce qu'il faut le prendre en modèle ?
Speaker 2: On ne va pas le prendre en modèle. Je vous garantis qu'on ne va pas prendre Donald Trump en modèle. On ne va pas faire du chantage à la terre entière comme il le fait. Par contre, ce qui est certain, c'est qu'il y a une leçon.
Speaker 1: Vous ne transformez pas ma question. Je ne vous ai pas demandé sur le chantage. Je vous ai demandé sur le financement de l'innovation des entreprises.
Speaker 2: Il y a une leçon à tirer. Deux leçons. D'abord, oui, il a raison quand il dit qu'il faut qu'on augmente nos dépenses de défense. Parce que la vérité, c'est qu'une cité, un pays qui n'est pas capable d'assurer lui-même sa sécurité, n'est pas libre. Et donc, on a 500 milliards à trouver pour construire la défense européenne. C'est ce dont je m'occupe au Parlement européen.
Speaker 1: On est en train d'envisager de faire travailler 7 heures de plus les Français pour trouver 2 milliards pour le trou de la Sécu. Mais vous parlez de 500 milliards.
Speaker 2: Parce que nous avons à faire ce que nous avons fait face à la pandémie. Nous avons eu une capacité à nous endetter collectivement la mutualisation des dettes à l'échelle européenne, à investir en commun, et c'est ce qui nous a permis d'avoir des vaccins. Il faut faire la même chose sur la défense. Et c'est des plans sur lesquels on travaille à l'échelle européenne. La deuxième chose, effectivement, c'est que nous devons être un continent, pas simplement de régulation, mais d'innovation, d'investissement dans l'industrie. On doit redevenir producteur. On doit redevenir innovant. Mais même quand on régule les grandes plateformes, c'est une étape. Mais la deuxième étape, c'est d'avoir de l'innovation, des plateformes européennes, c'est d'être capable d'être souverain. Si vous voulez être souverain, vous devez respecter les règles que vous érigez, et vous devez aussi être capable de produire. Or, le problème aujourd'hui, c'est que l'Europe est devenue un continent
Speaker 1: de consommateurs. La réponse pour l'instant de la Commission européenne, c'est plutôt d'aller chercher d'autres partenaires, mais sur la même logique, une logique de libre-échange. Développer un accord de libre-échange avec la Malaisie, tenter d'élargir les accords commerciaux avec le Mexique et le Canada, au fond, c'est une autre manière de refaire un Mercosur. Est-ce que c'est ça la réponse que doit avoir l'Union européenne ?
Speaker 2: Non. Ce qu'on doit interroger, c'est notre modèle de manière beaucoup plus profonde que ça. Vous savez, à l'échelle du monde, on a accepté une répartition des rôles. Nous sommes des consommateurs, et nous allions à des pays producteurs. Mais le fait est qu'à la fin, ce sont les pays producteurs qui sont souverains, et nous qui sommes dans des situations permanentes de dépendance. Il faut qu'on retrouve le goût de la production. Il faut qu'on assume de devenir une puissance souveraine. Pour ça, on doit avoir notre propre défense, on doit avoir notre industrie, on doit être capable de reprendre le contrôle sur des chaînes de valeur de nos entreprises. On doit pouvoir produire. Et quand on regarde les politiques qui sont menées, vous savez, par exemple, dans un an, il y a la fin des sauvegardes sur l'acier par rapport à la Chine. La surcapacité de production chinoise est telle qu'on peut se faire complètement ratiboiser. Et qu'il n'y ait plus du tout de cette industrie en Europe. De production d'acier en Europe. La même chose était arrivée sur les panneaux photovoltaïques. La même chose peut arriver sur l'industrie automobile et sur les voitures électriques. Donc il va falloir maintenant qu'on se dise une chose très simple, c'est que si nous ne sommes pas capables de produire en Europe, si nous ne sommes pas capables de défendre les productions européennes, eh bien nous perdrons toute voix au chapitre. Nous disparaîtrons en tant qu'acteurs souverains.
Speaker 1: Raphaël Glucksmann, hier, 605 députés au Parlement européen ont voté le texte demandant la libération du romancier franco-algérien Boalem Sansal, qui est retenu par Alger depuis deux mois. La résolution demande aussi qu'une mission médicale puisse rendre visite à l'homme de 80 ans qui est par ailleurs atteint d'un cancer. Vous avez voté cette résolution ? Non seulement j'ai voté,
Speaker 2: mais j'ai supervisé la rédaction de cette résolution. Il y a eu une majorité écrasante. C'est un texte qui est factuel, qui exige la libération de Boalem Sansal, qui exige aussi des autorités européennes qu'elles s'impliquent pour pas que la France soit seule à demander la libération de Boalem Sansal. Ça fait 70 jours et 70 nuits que Boalem Sansal est en prison. Ce sont 70 jours et 70 nuits de honte pour ces geôliers. Sa place est en train d'écrire, de parler. Son seul crime est d'avoir écrit et parlé en homme libre. Nous devons obtenir sa libération et c'était un message extrêmement clair, quasi unanime du Parlement européen.
Speaker 1: Quasi unanime. Raphaël Glucksmann, Rima Hassan, députée européenne française, présentée par la France Insoumise, a voté contre, elle ne s'est pas juste abstenue, elle a voté contre cette résolution. Comment vous vivez ça ?
Speaker 2: C'est une honte. Il y a 24 députés européens sur plus de 600 votants qui ont voté contre. Il y en a aussi extrêmement peu, une quarantaine qui se sont abstenus. Et franchement, s'abstenir pour voter contre un tel texte factuel, où il n'y a rien d'idéologique, il n'y a rien d'historique qui soit contestable, c'est simplement cautionner l'emprisonnement d'un immense écrivain dans des geôles. Et c'est profondément scandaleux. Vous savez, moi je suis guidé par une phrase de Camus qui dit, quand un soldat tire sur un poète, celui qui se demande si le soldat est de gauche ou de droite, ou le poète de gauche ou de droite, celui-là, n'a rien compris à l'humanité et à l'existence. Et vraiment, ce vote est une honte. Le vote donc de
Speaker 1: Rima Hassan contre cette résolution que vous avez votée et sur laquelle vous avez même
Speaker 2: participé. Et ça revient, je suis désolé, sur le début de notre entretien. Tout à fait, c'est exactement ce que je pensais, sur la rupture avec la France insoumise. Et notre vision du monde, nos principes ne sont pas les mêmes, notre rapport au débat public n'est pas le même, donc arrêtons l'hypocrisie.
Speaker 1: Arrêtons l'hypocrisie. Raphaël Glucksmann, député européen, Place Publique et Parti Socialiste, merci d'avoir été mon invité ce matin sur RMC et BFM TV.
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