Debate on French Economy and US Political Impact
Discussion on France's economic challenges, retirement contributions, and Donald Trump's presidency effect on businesses.
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Retraites, budget, fiscalité linterview en intégralité de Patrick Martin, le président du Medef
Added on 01/27/2025
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Speaker 1: L'invité du jour, qui est derrière la caméra et qui, par magie, va apparaître juste devant. Mesdames, Messieurs, vous pouvez laisser place au patron des patrons, comme on dit, président du MEDEF. J'accueille également Mathieu Croissando, éditorialiste politique BFM TV. Bonsoir, Patrick Martin. Bonsoir. Merci d'être avec nous ce soir. On va bien évidemment continuer cette discussion sur les conséquences économiques de l'arrivée de Donald Trump à la Maison Blanche. Y a-t-il un risque pour les entreprises françaises ? Mais d'abord, l'actualité, c'est cette déclaration de la ministre du Travail ce matin sur la mise à contribution des retraités. Elle dit « pour épargner, si j'ose dire, les entreprises, les actifs, pourquoi pas faire contribuer les retraités ? ». Elle fixe ce seuil. Elle dit ça pourrait être 40 % d'entre eux. Pourquoi pas à partir de 2 000 euros, 2 500 euros ? Est-ce que le président du MEDEF trouve que c'est une option qu'il faut regarder ?

Speaker 2: Il ne faut jamais perdre de vue que la meilleure réponse, c'est de baisser les dépenses publiques. Et là, je ne lâcherai rien sur ce sujet. Le gouvernement est assez peu d'isère, je dirais, à cette heure, pour des raisons qu'on peut comprendre, mais que je ne partage pas. Ensuite, si tout le monde doit contribuer à l'effort de guerre, en quelque sorte, pourquoi pas ? Effectivement, il y a une espèce de déni dans le débat public, et je pense dans l'esprit de beaucoup de retraités, qui, de bonne foi, disent « moi, j'ai cotisé, donc j'ai droit à ma retraite », en oubliant que c'est un système par répartition.

Speaker 1: Et ce sont les actifs qui payent pour les retraites.

Speaker 2: Et donc voilà, ce sont les actifs et les entreprises qui payent pour les retraites. Je rappelle que les salariés payent 40 % et les entreprises 60 %. Donc, à un moment donné, si la branche sur laquelle on est assis, si on surcharge les salariés et les entreprises, qui, à un moment donné, ne pourront plus payer ces retraites par répartition. Donc, si je comprends bien, Patrick Martin, vous dites « faire contribuer les retraités », pourquoi pas ? Pourquoi pas temporairement, de manière ciblée, en protégeant les petites retraites, et puis en répartissant l'effort d'une manière équitable ?

Speaker 3: Vous aviez vous-même proposé de supprimer l'abattement pour frais professionnels des retraités, et puis d'aligner leur taux de CSG sur celui des actifs.

Speaker 2: Écoutez, il faut avoir là les chiffres en tête. A minima, l'effort qui va être demandé aux entreprises au titre des budgets 2025, c'est 12 à 13 milliards d'euros. En regard, le taux dérogatoire, le taux abattu de CSG pour les retraités, c'est 11,5 milliards d'euros par an. S'il était aligné sur le taux de droit commun, celui que vous payez, que je paye, ce serait 11,5 milliards d'euros par an. Il y a effectivement cette niche, comme on dit, un peu étonnante, dite pour frais professionnels, de 4,5 milliards. Alors je ne suis pas en train de dire qu'il faut que les retraités payent tout, évidemment non. Mais s'il peut y avoir une répartition de l'effort, j'insiste, la vraie réponse est de baisser les dépenses.

Speaker 1: Et on va venir au budget dans un instant, simplement sur le seuil évoqué par la ministre du Travail, qui dit, pour faire contribuer les retraités, 2000-2500 euros. Et là, je pense à certains peut-être retraités qui nous regardent et qui se disent, à 2000-2500 euros de pension de retraite par mois, on n'est pas un retraité aisé. Est-ce que ce seuil-là, il vous paraît acceptable ? Est-ce qu'il faut au contraire considérer qu'il faut aller plutôt piocher vers des retraites encore plus importantes ?

Speaker 2: Non mais d'abord, je mesure la sensibilité politique du sujet. Vous avez raison. Donc il ne faut pas parler pour ne rien dire. S'il n'y a pas de voie de passage politique, autant ne pas en parler. Mais moi, ce que j'observe, c'est que dans le même temps, on nous dit, et ça s'entend, qu'il faut revaloriser les salaires. Donc si on augmente les charges sur les entreprises, qui par voie de conséquence, et ça sera le cas, je parlais de 12 milliards d'euros de charges sociales et d'impôts supplémentaires sur les entreprises dès 2025, immanquablement, ça limitera les marges de manœuvre pour revaloriser les salaires. Et donc, des salariés à 2500 euros, le salaire médian en France est de cet ordre-là. Médian. Ça veut dire qu'il y a beaucoup de salariés. On le sait, il y a 17%, il y a encore 16% de salariés qui sont payés au SMIC. Donc je reviens à mon raisonnement, il y a un principe d'équité.

Speaker 1: Juste avant de parler de ce fameux conclave, puisque c'est le mot religieux, juste, Mathieu Croissanteau, là encore, pour ceux qui nous regardent, effort de pédagogie, ça va se faire ou c'est ce qu'on appelle un ballon d'essai ? C'est-à-dire une ministre qui va le matin à la télévision et qui dit ce qui lui passe par la tête ou une conviction personnelle ?

Speaker 3: Puisque rappelons que Matignon dit, c'est pas l'ordre du jour. Voilà, Matignon dit c'est pas l'ordre du jour. Dans le bloc central, ça commence aussi à pester contre cette initiative de la ministre du Travail. Après, elle pose une question qui est une vraie question, c'est sans doute un ballon d'essai. Mais de quelle façon fait-on contribuer les retraités au financement de la protection sociale, à la vie collective ? C'est un vrai sujet. Il faut rappeler que le niveau de vie médiant moyens des retraités est au moins équivalent, si ce n'est plus élevé que celui des actifs, qu'il y a des retraités pauvres en France, il faut le dire, mais que le nombre de ceux qui touchent le minimum vieillesse n'a absolument rien à voir avec ce qui était le cas dans les années 70. Et qu'il y a des transferts intergénérationnels qui se font déjà, et peut-être qu'on pourrait imaginer qu'on peut aider ces petits-enfants, on peut aussi aider un peu la collectivité, mais juste une chose, si on vous écoute, les retraités doivent faire un effort, les salariés aussi, on le voit dans la réforme des retraites, ils doivent travailler plus longtemps, mais les entreprises, en revanche, vous considérez qu'elles en font déjà assez ?

Speaker 2: Non mais à deux reprises, j'ai évoqué ce chiffre de 12 milliards de charges supplémentaires pour les entreprises dès 2025. La surtaxe d'impôts sur les sociétés, l'abattement sur les allègements de charges, ce qu'on aura moins ou plus dans certains cas en aide à l'apprentissage, et ainsi de suite, les taxes diverses et variées sur l'aéronautique par exemple, ça c'est bien les entreprises, ce ne sont pas les salariés.

Speaker 3: Ce n'est pas pour la protection sociale ?

Speaker 2: C'est pour le budget. Oui, mais c'est pour partie pour la protection sociale.

Speaker 1: On parlait parfois de ces ballons d'aisselle lancés par des ministres. Il y a aussi ce qu'a dit Catherine Vautrin, d'ailleurs la ministre de tutelle d'Astrid Panossian, qui dans les colonnes du journal du dimanche évoque la possibilité de travailler gratuitement 7 heures par an pour là encore tenter de résorber le déficit de la sécurité sociale. Est-ce que là encore le président du MEDEF dit pourquoi pas demander cet effort aux travailleurs qui se rapprochent à la journée de solidarité, dire voilà 7 heures par an, on va travailler gratuitement ?

Speaker 2: Je me permets d'élargir la question ou le débat. Le problème de fond de l'économie française et de la protection sociale en France, c'est qu'on ne travaille pas assez. Et que le financement de cette protection sociale est excessivement à la charge des entreprises, dont les salariés. Donc moi je pense que plutôt que d'imaginer des rustines, parce que ce sont des rustines, il faut fondamentalement poser la question du niveau et du financement de la protection sociale. Moi je le fais, c'est peut-être prématuré, ça peut ne pas plaire, c'est pas une provocation, c'est une évidence. Je vous renvoie à l'excellent éditorial du Monde de jeudi dernier, Le Monde, qui dit que compte tenu de la démographie, le système de protection sociale français ne sait plus se financer. Je le dis depuis des mois, à un moment donné, en responsabilité, sereinement, objectivement, posons ce sujet là.

Speaker 1: Vous parlez de démographie de protection sociale. On arrive donc tout naturellement à la question de la réforme des retraites. Vous avez l'honneur, le privilège de participer à ce qu'on clave avec les syndicats. Trois mois pour tenter de trouver des améliorations quant à la réforme des retraites. On a du mal à voir, Patrick Martin, comment entre Sophie Binet, patronne de la CGT, et vous-même, il pourrait y avoir une voie de passage. Et pour lever tout de suite tout malentendu, puisque certains continuent à dire que leur objectif c'est de faire tomber les 64 ans. De l'autre côté, par exemple, la France Insoumise dit que ce ne sera pas parce que le patronat a un droit de veto sur la fin des 64 ans. Est-ce que de cette négociation peut sortir la fin de l'âge légal à 64 ans ?

Speaker 2: Je ne le souhaite pas parce que je crois qu'il est académiquement démontré que l'âge légal de départ en retraite est l'élément le plus efficace en termes de rendement. Maintenant, si on nous propose des solutions alternatives qui, j'insiste lourdement, ne renchérissent pas le coût du travail, parce qu'on va peut-être en parler d'une compétition économique internationale qui va devenir infernale, si on veut véritablement régresser, augmentons le coût du travail. Si on nous trouve une solution miracle, pourquoi pas.

Speaker 1: En même temps, une solution miracle, si on ne demande pas aux entreprises de contribuer davantage...

Speaker 2: Restez dans ces métaphores, on parle de conclave. Moi, je ne crois pas trop au miracle, en tout cas en matière économique.

Speaker 1: Un point de méthode, si je dois dire, Patrick Martin, puisque nos confrères du Parisien disent à l'instant que François Bayraud réfléchit à faire intervenir les parlementaires, les politiques, dans ce fameux conclave. Est-ce que c'est une bonne idée ou est-ce que vous dites, alors, si on met les partenaires sociaux tous ensemble, c'est pas pour qu'il y ait, je crois que le mot que vous utilisiez il y a quelques jours chez nos confrères de France Inter, c'est celui de parasitage, c'est ça ? Vous dites aux politiques, laissez-nous tranquille ?

Speaker 2: Non, je ne crois pas avoir parlé de parasitage.

Speaker 1: D'interférence, vous disiez.

Speaker 2: Moi, je crois dur comme fer à l'autonomie des partenaires sociaux à leur sens d'irresponsabilité. La manière dont on gère les retraites complémentaires est exemplaire et devrait d'ailleurs inspirer un certain nombre de gestionnaires publics. Et donc, il faut maintenir ce paritarisme et cette confiance dans le paritarisme, je dirais, dans leur pureté cristalline. Donc, pureté cristalline, pour dire la chose, ça veut dire sans politique ? Sans interférence. Et c'est ce qui est prévu aujourd'hui ? Je cite ce précédent. Au printemps dernier, nous avons échoué sur deux négociations entre partenaires sociaux. Je l'affirme parce qu'il y avait des interférences permanentes de l'exécutif et parfois du législatif. Les mêmes négociations ont abouti à l'automne. Pourquoi ont-elles abouti ? Les mêmes négociations. Parce que nous nous sommes appliqués, tous les partenaires sociaux, organisation syndicale, organisation patronale, à tenir respectueusement à distance tous ces gens qui, matin, midi et soir, veulent nous expliquer comment on doit marcher droit.

Speaker 1: Et donc, simplement, c'est bien envisagé ?

Speaker 2: Moi, je comprends que c'est envisagé. Je comprends que c'est envisagé et je pense que ça pose un problème fondamental de confiance. Et puis, que voulez-vous ? Quand on est sous les projecteurs, quand on a des gens qui nous surveillent, qui nous cornaglent, qui nous drivent, eh bien, on s'installe dans des postures.

Speaker 1: Donc, pureté cristalline. Il nous reste peu de temps, Patrick Martin. Je voudrais qu'on aborde, bien évidemment, le sujet du débat précédent et ce qui a frappé le monde entier, l'arrivée au pouvoir de Donald Trump, avec beaucoup d'inquiétude. On parlait des réactions européennes, peut-être d'une sorte de faiblesse du côté des dirigeants européens. Est-ce qu'on a raison de craindre l'arrivée de Donald Trump au pouvoir et la perspective de l'augmentation des droits de loine qui pourrait avoir un impact direct sur les entreprises que vous représentez ?

Speaker 2: Bien sûr qu'on a raison de craindre cette arrivée. Elle est avérée, elle est démocratique. Eh bien, moi, je pense qu'il faut positiver les choses. Passez-moi la grossièreté de l'expression, ça nous donne un grand coup de pied dans le derrière. Eh bien, c'est l'occasion, ou jamais, d'accélérer, de se déciler, de sortir de cette espèce de naïveté, d'angélisme, de poésie qui fait que, depuis trop longtemps, l'Europe est dans la rêverie. La France est dans la rêverie. Donc, les Américains vont nous soumettre à un régime très dur. Eh bien, je pense qu'on a les moyens de tenir tête.

Speaker 1: C'est-à-dire qu'au fond, il faut sortir de la naïveté ?

Speaker 2: Il faut appliquer, sans aucun état d'âme, les préconisations des rapports Lettin et Draghi. On a la feuille de route. Tout le monde est conscient que sur les financements, l'innovation, la formation, la compétitivité, on a des marges de progression considérables. On en a encore les moyens. Il y a un point qu'on ne souligne pas assez. Les États-Unis, les ménages, les entreprises, l'État lui-même sont hyper endettés. L'Europe a une épargne nette colossale.

Speaker 3: Mais ça veut dire que l'Europe, concrètement, doit jouer la carte du protectionnisme et joue aussi sur ses barrières douanières ?

Speaker 2: Non. Alors, au cas par cas, vis-à-vis de la Chine, vis-à-vis des États-Unis, mais je pense que ça n'est imaginable que de manière très temporaire, très ciblée, et sincèrement, je ne le souhaite pas. Non, il faut dans l'urgence se remuscler.

Speaker 1: Se remuscler, cela passe aussi peut-être à l'échelle nationale, Patrick Martin, par le fait d'avoir un budget, ce à quoi on a assisté la semaine dernière, c'est-à-dire le fait que les socialistes décident de ne pas censurer François Bayrou, ce qui peut amener le fait que ce budget soit enfin voté. Vous dites merci, bravo aux socialistes d'avoir fait preuve de responsabilité pour que la France soit dotée d'un budget ?

Speaker 2: Non, je vais vous dire que c'est un dilemme pour nous. La stabilité politique a une valeur considérable. Jusqu'à quel prix faut-il aller ? Voilà, c'est un dilemme, donc je ne vous réponds pas.

Speaker 1: Oui, mais est-ce qu'en l'état sur cet équilibre-là, vous dites que ce budget, même s'il n'est pas terrible, il vaut mieux que pas de budget ?

Speaker 2: Non, moi ce que je vois, c'est qu'on va alourdir encore les charges pour les entreprises, le monde est ouvert, l'Allemagne va accélérer, l'Espagne se porte bien, le Portugal se porte bien, l'Italie se porte d'une certaine manière assez bien, c'est dans l'Union Européenne, ce qui veut dire qu'il n'y a pas de fatalité européenne. Donc à un moment donné, moi je souhaite en tout cas que tous nos politiques prennent conscience de ce qui se passe autour de nous, et puis on considère qu'on ne peut pas se mettre à l'arrêt pendant deux ans et demi, c'est-à-dire jusqu'à la prochaine élection européenne, parce qu'on aura relativement, en valeur absolue, accru notre retard.

Speaker 1: Mais c'est un bon budget aujourd'hui ?

Speaker 2: Non, ce n'est pas un bon budget.

Speaker 1: Voilà, réponse claire de Patrick Martin, président du MEDEF. Merci d'être venu nous voir dans Tout le Monde d'Auxerre. Merci Mathieu Croissandon, on vous retrouve demain matin dans Première Édition.

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